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DON THIBAULT

Un nouveau chapitre pour l’église de Portivechju.

L’évocation, aujourd’hui, de l’abbé Thibault Lambert inspire l’image d’un curé entouré de ses paroissiens et des Porto-Vecchiais d’une manière générale. Pourtant, succéder à l’abbé Constant n’était pas chose aisée, mais, Don Thibault, accompagné de sa communauté Saint Martin, a su jouer de sa personnalité bien à lui et de son ouverture aux Porto-Vecchiais pour s’imposer parmi les nouveaux « siens ». C’est le portrait du mois.

Je vous ai transmis ce que j'ai moi-même reçu,

 

Tradidi enim vobis in primis quod et accepi,

Παρέδωκα γὰρ ὑμῖν ἐν πρώτοις, ὃ καὶ παρέλαβον,

Épitres de Saint Paul aux Corinthiens, 15, 3.

DATES CLÉS

Juin 2012

Don Thibault est ordonné prêtre

Juin 2023

L’abbé Constant présente Don Thibault à ses paroissiens

Septembre 2023

Don Thibault et la communauté Saint Martin s’installent à Portivechju

Septembre 2024

Mercato sacerdotal avec départ et arrivée d'un nouveau prêtre et séminariste

Une succession tout en bienveillance

Lorsque que les premiers bruits du départ de l’abbé Constant de Portivechju se font entendre, une onde d’incompréhension et de stupeur semble s’abattre sur la cité. Cet homme de Dieu, qui a su rassembler la population et créer une dynamique cultuelle et sociale allant bien au-delà de l’église, « abandonnait » les siens… Si, dans un premier temps, les sentiments personnels de chacun ont été touchés, l’estime et la reconnaissance portés à l’abbé Constant ont vite repris le dessus et, évidemment, on ne pouvait que lui souhaiter le meilleur dans sa nouvelle fonction de Vicaire général à Ajaccio.

A la tristesse et la fierté, s’est très vite mêlé un nouveau sentiment, celui de l’interrogation. Après 23 ans d’écoute attentionnée, qui allait succéder à Frédéric Constant ? Qui serait en mesure de prendre sa place au sein des Porto-Vecchiais ? On ne pouvait s’empêcher de souhaiter beaucoup de courage à ce prêtre mystère …

Pourtant, l’abbé Constant a su y faire. D’une part, il a désamorcé les craintes de chacun en rassurant et en préparant l’arrivée de son successeur, Don Thibault, avec, notamment, en juin 2023, sa présentation lors de la célébration de la Fête-Dieu.

D’autre part, il a usé d’une bienveillance et d’une confiance à l’égard du nouveau prêtre sans commune mesure et pour laquelle Don Thibault lui sera toujours reconnaissant. Les paroissiens eux-mêmes sont venus spontanément soutenir la nouvelle équipe à son arrivée. Ils étaient à leurs côtés pour expliquer, accompagner et aider, en quelque sorte faire sentir aux nouveaux prêtres que les Porto-Vecchiais étaient là pour eux.

Lors de son départ, l’abbé Constant s’est retiré avec humilité. Il n’a pas fait d’ombre à ses successeurs, laissant sa place avec une délicatesse particulière. De la même manière, la communauté entrante n’a pas remis en cause l’héritage de Frédéric Constant, elle s’est inscrite dans la continuité du travail accompli. Même si Don Thibault est venu avec sa propre personnalité, sa propre histoire…

Qui est le jeune Thibault Lambert ?

En septembre 2023, arrivent non pas un prêtre seul, mais un prêtre, un diacre et un séminariste. Les Porto-Vecchiais découvrent la communauté Saint Martin. De prime abord, on craint la rigueur, voire l’austérité, peut-être dû au port de la soutane et aux chants grégoriens reflétant une certaine traditionnalité, mais très rapidement leurs paroles et leur écoute rassurent… A leur tête, l’abbé Thibault Lambert ou plus communément Don Thibault, l’emploi du « Don » étant une appellation héritée de l’usage italien, propre à la communauté Saint Martin.

Don Thibault, ainé d’une fratrie de trois garçons au sein d’une famille catholique pratiquante à ses premières heures, est un authentique parisien. Il y est né, a fréquenté des écoles catholiques et y a fait son scoutisme. Ses racines familiales sont profondément ancrées à Paris depuis plusieurs générations.

Dieu fait partie de son univers ; son existence est une évidence pour lui, mais il n’y a pas d’omniprésence. Alors certains diront que, tout petit, il voulait être prêtre, mais lui-même n’en a pas le souvenir. Ce qu’il sait, c’est plutôt qu’il rêve de devenir pilote de chasse. Ce n’est pas, par hasard, qu’il touche du doigt le monde militaire avec une prépa de deux ans à Saint Cyr. Pourtant, son besoin d’être présent spirituellement pour les autres est attaché à sa personne et c’est naturellement qu’il participe à l’aumônerie de son École.

Son questionnement sur qui il est et quelle est sa voie se pose alors réellement : « Si lui n’est pas apte à être prêtre, alors qui ? »  Don Thibault prend conscience qu’il a une véritable accroche avec la prêtrise. Il aime le style de vie des prêtres qu’il rencontre, ce qu’ils représentent et leur force spirituelle face à une vocation de prêtrise qui s’amenuise. Après sa prépa, Don Thibault retourne au monde civil avec une Licence de Géographie à la Sorbonne. Mais il l’aborde plus comme un entre-temps qu’il s’accorde, un temps de réflexion…

Dans notre subconscient, la question de la vocation sacerdotale résonne comme un appel de Dieu, comme l’empreinte d’une grâce divine … Si la question de la foi et de l’amour de Dieu fait inéluctablement parti de l’être du jeune Thibault, le désir de la prêtrise est du fait de rencontres, de LA belle rencontre. Celle qui ouvre les perspectives de la vocation, qui vous révèle votre chemin de vie, celle qui vous touche le cœur et l’âme… La rencontre avec la communauté Saint Martin vient répondre à son interrogation concrètement. Son attirance pour la prêtrise est confirmée et balaie les craintes de solitude : une autre famille s’ouvre à lui. Les prêtres et diacres de la communauté Saint Martin étant envoyés au minimum par trois dans les diocèses.

Don Thibault attendra les fêtes de Pâques pour annoncer aux siens sa rentrée au Séminaire.

La vie d’un Homme dédiée à Dieu

Lorsque le jeune homme entreprend son séminaire en 2003, formation de sept ans des futurs prêtres, la conviction est bien là, mais il n’empêche qu’il n’en est pas moins un jeune homme de 21 ans avec des doutes et un besoin de certitude, voire de certitudes…

Après avoir accompli son premier cycle de philosophie de deux ans, fait un an de stage dans une église, et entamé le second cycle, celui de la théologie, Don Thibault se retire du Séminaire.

En 3 jours, il trouve un poste de 6 mois dans une école de commerce à Paris, où il accompagne les étudiants dans leurs projets sociaux. Puis c’est le choix de partir un an en Inde où il enseigne le français à l’université et, le soir, après les cours, s’occupe des enfants handicapés avec les frères de mère Teresa. Les conditions sanitaires et la pauvreté sont tellement désarmantes qu’il avoue avoir voulu prendre ses jambes à son cou dès le premier mois, mais la beauté de cette expérience de vie n’est sans pareille. La rencontre avec de très belles figures de prêtres missionnaires français et cet apprentissage d’une forte intensité humaine et spirituelle lui confirment sa vocation sacerdotale.

De retour d’Inde, il reprend le chemin du séminaire et est ordonné Diacre en 2011. Don Thibault est envoyé pour sa première mission à Cuba, où il y reste 8 ans. Il fait, juste un aller-retour en France, en 2012, pour recevoir son ordination de prêtre. Il a la charge de la jeunesse de son diocèse et y fait ses premières armes. Ce qui, évidemment, n’est pas chose facile dans un pays qui vient d’essuyer soixante ans de communisme des Castro. Si en Inde, c’est la découverte de la pauvreté, à Cuba il découvre la pauvreté de l’humanité sans Dieu…

Et puis, il faut faire le choix de partir pour de nouveaux horizons et la nomination se porte en 2019 sur Sarcelles, avec toujours la charge de la jeunesse, puis à Garges-lès-Gonesse en 2022.

La multitude des nationalités et de milieux sociaux présents dans le Val d’Oise, avec une part de jeunes très importante, participe à la richesse spirituelle et humaine de Don Thibault.

Toutes ces expériences de découvertes et de partage construisent le prêtre qu’il est aujourd’hui, et c’est chargé de ces valises qu’il pose les pieds à Portivechju en 2023. Avec le défi de s’adapter à la fois à l’héritage singulier de l’abbé Constant et de découvrir la culture d’un peuple qu’il ne connaît pas encore.

Transmission et traditions

L’écriture de cette nouvelle histoire prend alors le chemin de la tradition et de la vie de village propre à la terre corse, encore préservée du tumulte urbain. Don Thibault découvre des Porto-Vecchiais empreints d’une histoire et d’une culture profondes. Loin de se fermer à lui et ses frères, pourtant inconnus, les paroissiens leur offrent leur totale confiance et leur transmettent les clefs de la vie porto-vecchiaise indissociées de leur foi et de leur ethos, leur manière d’être, leur amour d’être Corse.

En retour, Don Thibault et sa communauté transmettent la foi et l’amour. De manière faillible, certes, parce qu’ils sont des hommes, mais c’est leur raison d’être. Éveilleurs de conscience spirituelle, ils sont d’abord des transmetteurs de vie, avant d’être des transmetteurs de morale, car ils aspirent à conduire vers le bonheur.

Et les traditions, issues du latin tradere signifiant transmettre, ont toutes leurs places au sein de la transmission paroissiale. Pour Don Thibault, ce lien est crucial, l’absence de transmission chrétienne ne peut qu’engendrer la disparition de la culture corse, aussi importante soit-elle aujourd’hui. La semaine sainte, a San Ghjuvanni Battista protecteur de la cité du sel, la Nativité de la Vierge Marie protectrice de la Corse, le jour des morts, etc… sont autant de dates chrétiennes ayant une résonance culturelle particulière sur l’île. Imaginer leur effacement serait difficile…

Pour soutenir la paroisse dans ce combat, il y a des passeurs de traditions qui assurent le lien entre l’église et le laïque, telle que la confrérie Santa Cruci, véritable trait d’union entre deux réalités complémentaires au sein de la cité. Aux côtés de l’église, la confrérie veille à ce que ces traditions ne deviennent pas des coquilles vides, rappelant que cette culture a comme noyau une foi vivante et chrétienne. La confrérie Santa Cruci est un des trésors de la paroisse et Don Thibault se réjouit de voir émerger l’idée d’une confrérie féminine à Portivechju, signe d’une réelle vitalité spirituelle.

L’école Sainte Dévote apparait comme un autre trésor de la paroisse, étant aussi un lieu de transmission : de foi, du savoir, du savoir-faire et du savoir-être. L’église se met au service de la jeunesse pour donner une éducation qui prend en compte toutes les dimensions de l’être humain : spirituelle, intellectuelle, corporelle, artistique… tout ce qui fait la construction d’un enfant. L’abbé ne peut que s’émerveiller de ce que l’équipe pédagogique a accompli et souhaiterait s’investir davantage à l’avenir. Cette école revêt une autre responsabilité pour l’église. Tous les parents qui inscrivent leurs enfants ne sont pas forcément pratiquants, voire croyants. Il y a donc un véritable enjeu de proposition de foi, d’accompagnement et de présence pour ces enfants et leurs familles.

En se retournant sur cette première année de charges sacerdotales, l’abbé Lambert la définit comme passionnante, exigeante… L’enjeu était de bien atterrir et de prendre ses marques. Par la volonté de Dieu et la bienveillance des Porto-Vecchiais, le défi est relevé. Aujourd’hui, il s’agit à la fois de continuer à apprendre à être encore plus « Porto-Vecchiais » au milieu des Porto-Vecchiais, et d’avancer au large tout en prenant son rythme de croisière. Des dossiers gardent toute son attention comme la jeunesse, la pauvreté matérielle et spirituelle… Des idées émergent comme des propositions de conférences ou d’ateliers pour attirer les adultes qui ne sont pas pratiquants pourtant pleins de questionnement, à l’image des « apéros du curé » initiés avant l’été.

A la rentrée, la communauté Saint Martin aura un nouveau visage. Le vicaire Don Charles Edouard Hartmann, nommé dans la banlieue parisienne, sera remplacé par Don Yann Orsini dont les racines se trouvent en Haute Corse. Le séminariste Stanislas de Rivoyre, ayant terminé son année de stage, sera remplacé par Lucas Mayeul. Et, enfin, Don Pierre Emmanuel D’Argent, ordonné prêtre en juin dernier, se prépare à la fonction de vicaire.

Appuyé par sa nouvelle équipe, Don Thibault entend poursuivre cette belle aventure, liant spiritualité et humanité, traditions et modernité, pour une foi bienveillante et partagée. 

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