SIMPLES ET
DIVINES
La nature dans la peau
Poussée par un héritage familial et un amour profond pour la nature, Isabelle Buiret a tracé son chemin vers les huiles essentielles en quête d’authenticité et de respect des plantes. De son enfance imprégnée de récits ardéchois à son installation en Corse, elle a su transformer sa passion en un engagement durable. À travers son exploitation « Simples et Divines« , elle cultive et distille des essences locales, avec une vision éthique et une détermination à préserver la richesse botanique insulaire.
Les plantes ont un langage, encore faut-il savoir l’écouter
Pierre Lieutaghi, écrivain et ethnobotaniste.
DATES CLÉS
1996
Arrivée en Corse
2001
Naissance des « Simples & Divines »
2022
L’Association APROHEC est créée
2025
L’« Immortelle de Corse » va être classée IGP
Une enfance imprégnée
Lorsque, il y a presque 30 ans, Isabelle Buiret pose ses valises pour la première fois en Corse, c’est pour profiter, un petit temps, de l’accalmie du Sud.
Isabelle est née d’une histoire d’amour à Grenoble entre une Ardéchoise aide-soignante et un Burgien en partance pour la Guerre d’Algérie. Si la petite fille grandit à Bourg-en-Bresse avec ses rivières, ses lacs et ses terres agricoles, son esprit s’évade ailleurs : bercée par les histoires de l’Ardèche que lui conte sa mère qui a grandi entre les oliviers et les chèvres, par l’histoire de cette arrière-grand-mère maternelle venue de quelque part d’Italie, mais dont on ne connaît que le prénom, Delvina, et son amour pour les plantes sauvages.
Ce sentiment de ne pas être au bon endroit se fait ressentir dès l’école pour Isabelle. Malgré sa passion pour le sport, sa fainéantise nonchalante et son besoin d’émancipation rapide lui font prendre la voie comptable, non par vocation, mais parce que cela lui permet d’accéder rapidement au monde professionnel et donc à la liberté.
Une vingtaine d’années, diplôme en poche, ce n’est toujours pas la voix du cœur qu’Isabelle écoute, mais celle de la raison et la voici parti à l’opposé, direction Strasbourg, pour une opportunité professionnelle.
Pas de regret, sa vie est rythmée par le travail, les sorties et les randonnées dans les Vosges, et puis elle trouve l’amour. Mais lorsqu’elle tombe enceinte, sa voix de cœur reprend le dessus. Elle veut élever son enfant dans le Sud, même en Provence au milieu des champs d’oliviers et de la lavande, endormis au son des cigales.
Des premières vacances s’organisent et la petite famille part chez une amie, mais un peu plus au sud : en Corse, à Portivechju. Pour son compagnon, c’est le coup de cœur. Il réussit à faire fléchir Isabelle pour une installation éphémère de deux ans, le temps que le bébé grandisse…
Tout s’enchaine très vite. Une séparation, une envie de changer de cap professionnel, de travailler dans des domaines qui la touchent plus… Elle remet les compteurs à zéro, elle passe le bac à Corte et s’inscrit en Lettres Modernes à l’université d’Aix en Provence pour devenir professeur de français. Mais ces études s’avèrent très exigeantes et un bébé en bas âge ne simplifie pas les choses… Le projet littéraire s’arrête là.
De nouveau, elle se recentre sur ce qu’elle souhaite. Peut-être qu’à ce moment-là la transmission familiale prend tout son sens. Issue d’une arrière-grand-mère maternelle qui soignait toute la famille par les plantes sauvages et de grands-parents paternels agriculteurs, Isabelle se tournent vers les essences de la terre et leurs bienfaits.
La naissance de l’entreprise
Au-delà de l’héritage familial, Isabelle Buiret est une convaincue du naturel et du bio. Elle fait ses courses dans la première enseigne bio française Biocoop, elles achètent des couches lavables pour son bébé, choisit des cosmétiques engagés comme Weleda et Dr Hauschka, sensible aux produits qui sentent vraiment plante.
Et c’est ce qu’Isabelle a retrouvé en Corse, cette terre possède cette richesse de pouvoir offrir une véritable odeur de plante…
Son amour pour la Corse s’est fait graduellement. Il était important pour Isabelle de voir au-delà de la beauté de l’île. Il fallait que sa présence sur cette île ait un sens. C’est la force de la Nature de Portivechju qui a fait pencher la balance : la qualité et la richesse des plantes sans pollution. Au gré de ses balades dans le maquis, Isabelle découvre des territoires et paysages pluriels et sauvages qui s’enchainent sans fin. Le potentiel est là et les producteurs insulaires sur la cosmétique naturelle et bio quasiment inexistants.
Finalement, la Corse colle à ses rêves de vivre dans le Sud avec les cigales et les plantes, c’est juste que c’est un peu plus bas.
Décidée à rester définitivement, la jeune femme se lance dans l’élaboration de produits cosmétiques. Face à la lourdeur, la rigueur et au coût de la réglementation, elle s’autorise la liberté d’entreprendre à son rythme.
En 2001, l’entreprise voit le jour sous le nom de « Les Simples », en référence aux plantes médicinales qui ont un intérêt pour la santé. Rapidement, vient s’accoler le mot « divines » insufflant une touche de féminité et de sacré.
Au début, Isabelle se forme à l’élaboration des produits cosmétiques et achète les matières premières auprès des distilleurs. Mais très vite, elle aspire à la maîtrise de la plante de A à Z, de la culture à la vente du produit. Elle se forme alors à la distillation et à la culture des plantes aromatiques, avec la volonté de participer à chaque étape : la cueillette, la distillation, la transformation pour arriver au produit fini.
Elle va d’abord commencer par les petits marchés et décroche sa première commande avec l’épicerie bio de l’époque, Croque Nature. Petit à petit son entreprise s’enracine, le nombre de clients grandit, pour devenir une exploitation pérenne depuis plus de vingt ans.
D’abord établit à Sotta, une rencontre sous des auspices amoureux va donner une nouvelle impulsion à l’entreprise qui s’installera à Palavesa, puis Murateddu.
Un engagement pour le respect des plantes
Ses points de valeur n’ont pas dérogé depuis le début de l’aventure : un engagement bio avec une ligne de conduite responsable, c’est-à-dire une production locale et raisonnée. Isabelle ne voit aucun intérêt à multiplier les produits, un même soin possède différentes vertus et peut suffire à différents besoins. Ainsi trouve-ton la base avec les huiles essentielles et les hydrolats, auxquels sont venus se décliner les savons saponifiés à froid, des shampoings solides, des laits démaquillants et soins du corps, des peelings et gommages, des déodorants crème, ainsi qu’une petite gamme pour les hommes.
Sur son exploitation, elle cultive une dizaine de plantes comme l’immortelle, la verveine, le gattilier, le romarin, la nepita, les lavandes vraie et stoechas, ainsi que le laurier. A cela, il y a les plantes qui se trouvent naturellement sur le terrain, plus les sorties en cueillette sauvage, en collaboration avec l’ONF, l’Office Nationale des Forêts, et le Conservatoire du Littoral. Il y a des sites de prédilection comme Cartalavonu pour le pin Laricciu ou le genévrier nain, comme Figari pour des étendues inouïes de myrte, ou encore les terres de ses premiers amours où les débuts de l’entreprise ne vivait que de la cueillette sauvage sur, entre autres, la plage du Lavu Santu ou la pointe du Muchju Biancu.
Chaque plante est récoltée en respectant le cycle des saisons : février pour le laurier, mars pour la lavande stoechas, mai pour les plantes de montagne, juin/juillet pour l’Immortelle à cheval avec la cueillette du myrte, fin juillet pour la lavande, la verveine et le nepita, août pour le fenouil, septembre pour les branches juvéniles de l’eucalyptus et auxquelles vient s’ajouter le lentisque jusqu’au mois d’octobre… Et tout ça, uniquement en cueillette à la main. En effet, malgré une tentative d’investissement dans les petites machines, leur efficacité n’ayant pas été concluante, la main est restée la valeur sûre. Pour la récolte de l’immortelle, la serpette à dent avec une équipe de quatre, cinq personnes est nécessaire…
Au creux de l’hiver, cette petite entreprise n’en est pas pour autant endormie. Il faut entretenir le terrain, empêcher les mauvaises herbes de prendre possession des cultures et remettre en état les clôtures. En plus du site internet, la boutique a aussi le mérite d’être ouverte à l’année. Avec un réel plaisir de la part de sa clientèle porto-vecchiaise de venir jusqu’à l’exploitation et d’éveiller leur curiosité. Pour Isabelle, cette période hivernale où les gens prennent plus le temps d’échanger est un véritable moment de partage et de transmission de sa passion…
Faire-valoir du respect des plantes, de la cueillette jusqu’à la vente du produit, les « Simples et divines » sont labellisées sous les certifications Nature et Progrès, Ecocert et Slow cosmétique.
Une nature d’exception à préserver
Suivi du myrte et du romarin à verbénone, l’immortelle de Corse, a muredda, est au cœur de l’entreprise d’Isabelle avec soixante distillations sur le mois de récolte, soit entre quinze et vingt litres d’huile essentielle produits, contre un litre maximum pour les autres plantes. Cette plante, cheffe de file de la flore insulaire, est celle qui est travaillée en priorité et c’est celle qui est recherchée en priorité par la clientèle. Ses vertus médicinales autant que cosmétiques n’étant plus à démontrer : traitement de l’acné, des hématomes, de la circulation, des rhumatismes, du stress, antiride, etc…
L’immortelle de Corse, ainsi prisée, devient par la force des choses un bien convoité et copié.
Dès lors, l’engagement d’Isabelle ne s’arrête pas à son entreprise, mais recouvre une dimension insulaire. Ainsi en 2022, Isabelle a participé à la création de l’APROHEC, l’Association des Producteurs d’Huiles Essentielles de Corse, avec pour objectif d’obtenir la reconnaissance de l’IGP, Indication Géographique Protégée, pour les huiles essentielles de Corse.
L’Immortelle de Corse se retrouve menacée face à une concurrence déloyale venant d’autres régions et pays, mais dont la qualité est moindre et amplifiée d’une molécule artificielle.
Obtenir la reconnaissance de l’IGP va attester de sa traçabilité et donc de sa qualité supérieure.
Cet engagement pour l’Immortelle insulaire devrait aboutir fin 2025 et sera suivi de la reconnaissance du romarin à verbénone et du myrte vert. Une démarche cruciale pour la filière corse et la protection des plantes insulaires…
Pour l’avenir, Isabelle se souhaite une belle pérennité avec si possible la perduration de l’héritage familial à travers son jeune fils de dix-neuf ans, lui aussi amoureux de la nature, qui s’est lancé dans un cursus agricole. Si des projets germent dans l’esprit du jeune homme, toujours avec le principe de distillation, c’est avec un autre regard qu’il accompagnera sa mère, plus dans l’ère du temps, avec une culture, pourquoi pas, de l’ail noir, du safran ou encore du figuier de barbarie, parce que le potentiel est là !
Ainsi, enracinée dans des « simples » insulaires et précieux, Les Simples et Divines continuent d’écrire leur engagement vers une nature salvatrice et s’ouvrent vers de nouveaux projets. Car au-delà d’une volonté personnelle, la filière des plantes aromatiques et cosmétique, en pleine ascension, incarne une facette essentielle de la richesse insulaire qu’il est impératif pour la Corse de cultiver, valoriser tout en la protégeant…